Les rongeurs dans les moteurs de voiture : mythe ou réalité ?
Depuis quelques années, les témoignages d’automobilistes confrontés à des intrusions de rongeurs dans leurs véhicules se multiplient. Ce phénomène touche aussi bien les habitations en zone rurale qu’en zone urbaine, et semble prendre de l’ampleur au fil du temps. Véritable mythe ou réalité méconnue ? Enquête :
Des automobilistes de plus en plus confrontés au problème
Dans certaines villes, des cas pour le moins surprenants sont signalés. Christiane (Photos ci-dessous, ©Christiane), habitante de Marseille, témoignait en 2022 sur le site info-rongeurs : « Cela fait depuis début mars qu’un animal amasse des cailloux et les dépose sur la batterie de ma voiture. Je m’en suis rendue compte parce qu’en roulant, ma boîte de vitesse s’est bloquée. J’ai heureusement réussi à rentrer chez moi en 1ère. Avant l’intervention du dépanneur, nous avons ouvert le capot et constaté une accumulation de pierres sur la batterie et autour. Nous avons installé une caméra de chasse et avons découvert le coupable : un rat vient plusieurs fois par nuit visiter ma voiture et y accumule ses pierres et des graines qu’il récupère chez les poules. Heureusement, il ne ronge pas les câbles, mais ses pierres bloquent régulièrement la boîte de vitesse. »
Ce type de scénario est loin d’être isolé. De nombreux automobilistes rapportent des situations similaires, parfois bien plus graves.


Pourquoi les rongeurs s'attaquent-ils aux véhicules ?
Les moteurs de voiture constituent un environnement particulièrement propice pour les rongeurs en quête de chaleur, de sécurité et de matériaux à grignoter. Plusieurs facteurs expliquent cette attirance :
–Chaleur et protection : une fois le moteur arrêté, il reste tiède pendant plusieurs heures, ce qui en fait un refuge idéal, notamment durant les saisons froides. Protégé du vent, de la pluie et des prédateurs, le compartiment moteur constitue une cachette confortable et discrète. C’est justement le cas rapporté par une habitante de Marseille, où un rat avait pris l’habitude de s’installer sous le capot de sa voiture.
–Matériaux attractifs : de plus en plus de constructeurs utilisent des gaines de câbles électriques composées de bioplastiques intégrant des matières végétales comme l’amidon. Ces matériaux, choisis pour leur caractère biodégradable et écologique, présentent toutefois un inconvénient majeur : ils sont perçus par les rongeurs comme comestibles. L’amidon, en particulier, est une source d’énergie dans l’alimentation naturelle des rongeurs, qui y trouvent un intérêt nutritionnel. Résultat : ces câbles peuvent être rongés, voire consommés, au même titre qu’un aliment riche en glucides.
–Besoins physiologiques : les dents des rongeurs, notamment celles des rats et souris, poussent en continu tout au long de leur vie. Pour éviter qu’elles ne deviennent trop longues, ils doivent constamment ronger et privilégient des matériaux solides afin d’user efficacement leurs incisives. Les gaines de câbles, plastiques ou en caoutchouc, constituent des cibles idéales.
–Accès facilité : les véhicules stationnés dans des garages ouverts, des granges, ou simplement à l’extérieur près de zones boisées, agricoles ou de haies fournissent un environnement favorable. Il suffit d’une petite ouverture pour qu’un rongeur se glisse sous le capot, dans les bas de caisse ou tout endroit satisfaisant pour lui. En milieu rural ou périurbain, la proximité des sources de nourriture (compost, mangeoires, poulaillers, etc.) favorisant le développement et l’implantation des rongeurs renforce encore ce risque.
Des dégâts qui peuvent coûter cher
Si dans le cas de Christiane le rat n’a pas endommagé les câbles électriques, de nombreux automobilistes n’ont pas cette chance. Les câbles endommagés, qu’ils soient rongés ou souillés par l’urine de rongeurs, peuvent provoquer :
-Pannes électroniques et électriques (démarrage impossible, dysfonctionnements moteur, voyants d’alerte)
-Courts-circuits et incendies
-Défaillances de systèmes de sécurité (ABS, airbags, freinage assisté)
-Réparations coûteuses et complexes (diagnostic difficile, faisceaux à remplacer).
Les professionnels de l’automobile constatent une augmentation régulière de ces cas. Selon les retours de certains techniciens en concession, de plus en plus de véhicules endommagés par des rongeurs sont pris en charge. Ces derniers rapportent que les réparations peuvent s’avérer longues et onéreuses, notamment lorsque la localisation précise des dégâts est difficile. Le problème est d’autant plus critique que les véhicules modernes embarquent une grande part d’électronique, ce qui augmente les risques de pannes secondaires.
Au-delà des véhicules des particuliers, le phénomène touche également le milieu agricole : tracteurs, moissonneuses, ensileuse, engins de manutention. Stockées de longues périodes à l’arrêt, souvent en extérieur, parfois mal nettoyées (présence de céréales par exemple) ces machines attirent les rongeurs en quête d’abris. Les dégâts peuvent alors devenir particulièrement lourds financièrement et immobiliser le matériel pendant des périodes critiques.
Comment se protéger ?
Il est difficile d’éliminer totalement le risque, mais plusieurs solutions permettent de réduire significativement les intrusions de rongeurs dans les compartiments moteurs :
–Limiter les accès : si le véhicule est garé dans un garage ou un hangar, veillez à bien fermer les accès ouvertures et à supprimer les sources de nourriture à proximité (stockage de céréales pour volaille, stockage de nourriture pour animaux domestiques, poubelles mal fermées, restes d’aliments pour animaux). Le rangement et l’hygiène des abords sont des leviers simples mais efficaces pour éviter d’attirer les rongeurs.
–Installer des dispositifs répulsifs : des sprays ou bombes aérosols spécifiques peuvent être pulvérisés sur les câbles et les parties sensibles du moteur. Il existe aussi des dispositifs à ultrasons ou électromagnétiques à placer dans le garage, censés perturber les rongeurs sans danger pour l’homme ou les animaux domestiques.
–Empêcher l’entrée des rongeurs – Proofing (anti-intrusion) : Le proofing consiste à bloquer les points d’accès par lesquels les rongeurs peuvent s’infiltrer dans un garage, un sous-sol ou un local technique. Un simple trou dans un parpaing (pour passer un câble ou un tuyau) ou une ouverture au niveau d’un portail peut suffire. Des solutions simples existent : mousses expansives, grilles anti-rongeurs, joints de seuil, etc. Une bonne étanchéité des lieux de stationnement limite grandement les risques d’intrusion.
–Installer un dispositif d’appâtage en curatif ou en préventif : En cas de présence avérée de rongeurs, il est possible de mettre en place un dispositif de lutte chimique à l’aide de postes d’appâtage sécurisés contenant un produit anti-rongeurs. Cette solution permet de traiter efficacement une infestation localisée. À titre préventif, des postes d’appâtage peuvent également être installés avec un aliment appétant pour détecter une activité éventuelle et agir rapidement dès les premiers signes. Ces dispositifs sont particulièrement utiles dans les zones sensibles ou déjà exposées.
–Protéger les câbles : des gaines renforcées, des manchons anti-rongeurs ou des grillages peuvent être installés autour des parties vulnérables. Certains constructeurs automobiles proposent désormais des kits spécifiques ou des produits homologués pour cet usage.
–Surveiller régulièrement le compartiment moteur : un contrôle visuel régulier permet de repérer rapidement des traces d’intrusion (excréments, débris, nids, odeurs inhabituelles), avant que les dégâts ne deviennent critiques. En cas de doute, un diagnostic chez un professionnel est recommandé.
–Éviter le stationnement prolongé en zones à risque : en milieu rural ou périurbain, privilégier un emplacement dégagé et éloigné des haies, tas de bois, ou zones humides. Un véhicule inutilisé durant plusieurs semaines devient une cible idéale.
En résumé, la présence de rongeurs sous les capots de voiture n’est pas une légende urbaine, mais bien une réalité en pleine expansion. Avec quelques gestes simples et des solutions adaptées, il est toutefois possible de réduire considérablement les risques.